Au Québec, compagnon et apprenti sont des termes associés d’emblée aux métiers de la construction tant le compagnonnage fait partie intégrante de cette industrie. Cependant, ce concept de transmission de connaissances et de formation à une profession est loin d’être exclusif à la seule Belle Province ou au milieu de la construction.
Un peu d’histoire
Partout dans le monde, le parcours de l’apprenti prend différentes formes et est soumis à diverses étapes avant d’aboutir à la désignation de compagnon, admettant ainsi que le travailleur ou la travailleuse a atteint le niveau de compétence requis pour effectuer son métier dans les règles de l’art. Bien que le mot « compagnonnage » n'apparaisse dans la langue française qu’au début du XVIIIe siècle, selon le Dictionnaire en ligne de l’Académie française, le mouvement lui-même s’est manifesté beaucoup plus tôt dans l’histoire de l’humanité, des traces remontant jusqu’à la Haute Antiquité.
En fait, il y a fort à parier que des confréries d'ouvriers se soient organisées dès l’apparition des métiers. Par contre, il est impossible de fixer une date précise à la naissance du compagnonnage, celui-ci n’ayant jamais eu de définition unanime et ses origines découlant à la fois des légendes – comme les rituels de la franc-maçonnerie – et des archives véritables1.
Le compagnonnage au Québec
En sol québécois, dans l’industrie de la construction, c’est la Loi R-20 qui régit depuis 1968 les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre. Ainsi, toute personne désirant œuvrer dans l’un des 25 métiers règlementés de ce milieu doit au préalable obtenir le droit de travail approprié. Existant vraisemblablement dès les débuts de la colonisation, le concept de compagnonnage en construction s’est davantage structuré lors de l’établissement des grands paramètres du modèle d’apprentissage au début des années 1970. Celui-ci est ensuite passé d’un régime restrictif de certificats de classification à un mécanisme plus souple de certificats de compétence, et ce, à partir de la création de la Commission de la construction du Québec (CCQ), en 19872.
Le système québécois de compagnonnage au sein de l’industrie de la construction est basé sur la relation professionnelle privilégiée entre l’apprenti et le compagnon. Cette relation de confiance permet aux apprentis de cumuler des heures précieuses d’expérience encadrée en chantier, qui en s’ajoutant aux heures de formation, sont compilées dans son carnet d’apprentissage. Au bout de son apprentissage, l’apprenti ayant réussi l’examen de qualification devient à son tour, un compagnon pouvant soutenir un nouvel apprenti.
L’importance des compagnons dans l’industrie de la construction
Être compagnon permet au travailleur d’être valorisé dans un rôle de mentor, de contribuer activement au bon déroulement des chantiers et d’être reconnu par ses pairs.
Quant à l’apprenti, le fait qu’il soit jumelé à un compagnon de même métier lui permet de confirmer les connaissances apprises, de perfectionner des techniques et de découvrir de nouveaux aspects de la profession. Il est ainsi question d’une supervision dite immédiate, qui s’apparente beaucoup plus au mentorat qu’à une surveillance étroite.
Des mesures qui valorisent le mentorat et la formation
Dans le contexte actuel de la rareté de la main-d’œuvre, rappelons que huit nouvelles mesures règlementaires sont entrées en vigueur en avril 2021.
Certaines d’entre elles valorisent spécifiquement la formation et la diplomation, comme la délivrance d’un certificat de compétence apprenti étudiant, d’une durée de six mois, aux personnes inscrites dans un programme d’études reconnu pour les métiers de l’industrie de la construction, excluant toutefois le métier de grutier. Les programmes d’études professionnelles permettent aux étudiants de développer des compétences de base dans leur métier. L’apprentissage du métier se poursuit par la suite en chantier, sous la supervision d’un compagnon. La nouvelle mesure donne l’occasion aux étudiants de travailler sur les chantiers pendant leurs études, sous la supervision de compagnons, ce qui enrichit dès le départ leur parcours par l’expérience pratique, favorise une meilleure intégration et valide leur choix de carrière. À son tour, le compagnon tire avantage de cette relation en se tenant entre autres à jour avec les approches enseignées aux étudiants et l’utilisation des nouvelles technologies.
Avec les récentes mesures, mais aussi avec l’embauche de nombreux travailleurs par bassin de main-d’œuvre sur les chantiers, le compagnonnage, par ses fonctions de transmission des savoirs, de soutien aux collègues moins expérimentés et de maintien de la qualité des travaux, apparaît encore plus essentiel et demeure véritablement un pilier de l’industrie.
1 François Icher, La France des compagnons, Paris, Éditions La Martinière, 1994, 200 pages.
2 Louis Delagrave, Histoire des relations du travail dans la construction au Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, p. 196 et 204-205.